mardi 8 décembre 2015

l’actualité de la lenteur de la justice en France


                 Affaire de l'hépatite B, 17 ans d'enquête pour rien


Le scandale est que la méfiance reste forte vingt-deux ans plus tard. En 1994, la France lance une vaste campagne de vaccination contre l'hépatite B, cette infection du foie peut être mortelle. Ce programme touche particulièrement les collégiens. Au bout de quelques mois, des dizaines de cas suspectés de maladies neurologiques comme la sclérose en plaques, apparaissent, à l'ouverture d'une enquête judiciaire nationale en 1998.

Après dix-sept ans d'investigations et le recensement d'une soixantaine de victimes, dont huit décès, le parquet de Paris a rendu l'été dernier une réquisition, faute de lien entre la prise du vaccin et le déclenchement des maladies. Trois anciens responsables des géants pharmaceutiques Sanofi-Aventis et Glaxo-SmithKline sont toujours mis en examen pour tromperie aggravée, les deux entreprises était placées sous le statut de témoin assisté. Si elles suivent cet avis, les juges d'instruction encore saisies mettront un point final au volet judiciaire d'une controverse qui a fait de la France l'un des pays européens où les parents sont les moins enclins à vacciner leurs enfants contre le virus.
Le premier rapport d'expert remis en 2002 à la juge d'instruction spécialisée est à charge contre le vaccin. Il souligne « l'absence de fondement scientifique sérieux » de la campagne de 1994. Problème : son auteur, le Dr Marc Girard, est un médecin généraliste sans connaissance particulière en épidémiologie et en neurologie, les deux disciplines au cœur de l'enquête. Ses conclusions estime le parquet dans son réquisitoire définitif. Le médecin sera rayé en 2006 de la liste des experts près la cour d'appel de Versailles.
Un nouveau rapport remis en 2006 par un collège de trois professeurs spécialisés conclut cette fois que « les études ne révélaient aucun risque ou un risque faible de déclencher une sclérose » à la suite de la vaccination, précisant toutefois « que ce type d'étude est incapable d'écarter un risque individuel ». En conséquence, la recommandation de la vaccination faite en France en 1994 ne paraissait pas injustifiée pour les nouveau-nés et les personnes à risques. Les auteurs se montrent plus nuancés concernant les jeunes et adultes sans facteur de risques . Différentes expertises individuelles conduites sur des victimes se révèlent, elles aussi, incertaines sur un lien entre vaccin et maladie, la plupart rejetant l'existence d'une relation de cause à effet sans pour autant l'exclure définitivement.

 Le dossier sommeille jusqu'au départ de la juge Bertella-Geffroy en 2013. Deux nouvelles juges d'instruction reprennent alors l'enquête, charge à elles d'actualiser les connaissances scientifiques sur le sujet. Deux ans plus tôt, la commission nationale de pharmacovigilance établissait la synthèse d'une douzaine d'études réalisées en France et à l'étranger sur les effets du vaccin. Ces expertises, « à l'exception d'une, permettaient de dire qu'il n'y avait pas de lien démontré entre vaccination et maladies démyélinisantes », parmi lesquels la sclérose en plaques. Une affirmation reprise par le procureur : « Sur le terrain des connaissances scientifiques et médicales, à ce jour, en France et à l'étranger, aucun lien de cause à effet n'a jamais été formellement établi. » Or la loi prévoit que cette relation doit être incontestable pour justifier un procès. Le parquet souligne enfin que « l'écrasante majorité des experts insistait sur les origines encore largement méconnues » de la SEP. Un des rares points de consensus qui expliquent, en partie, dix-sept années d'une bataille de spécialistes aux allures de fiasco.

 Fait rare, en 2014, l'État a été condamné à verser 2,4 millions d'euros à une ancienne infirmière pour avoir déclaré une SEP après des injections contre l'hépatite B, reçues à partir de 1991 dans le cadre de son activité professionnelle.